Ils s’appellent Mistica, Bboy, Vitor, Demonia ou Drika, sont Brésiliens ou on fait le voyage depuis d’autres pays d’Amérique latine, invités à poser face à l’objectif de Denis Rouvre. L’action se situe à Sao Paulo, là où le photographe à sonné le rassemblement. Le protocole est simple. Ils posent frontalement, éclairés par une lumière douce et soignée devant un fond noir. Tels qu’ils sont, sans effets inutiles. Et c’est là que se situe le cœur du propos. Défilent sous nos yeux “l’homme nouveau”, transformé, augmenté, singulier, unique dans son genre. Le corps n’est plus une enveloppe charnelle, le corps ici, est un manifeste, un hymne. Ici, on questionne la beauté et la laideur, la liberté et la contrainte. « Deviens ce que tu es » affirme Nietzsche, leçon bien retenue et appliquée à la lettre par nos protagonistes. Là où nous conservons nos secrets bien enfouis en nous, eux les affichent. Ils ont choisi de se modifier. Bifurcation linguale, implants, tatouages des yeux et du visage, ablation de partie du corps sans retour en arrière possible. Ce qui est fait est fait. Le corps se révèle alors à notre regard, comme une alerte. Le résultat est saisissant, dérangeant qui nous interroge sur les raisons profondes qui les ont menés là. De quoi cet affichage est-il le nom ? Peut-être une façon d’externaliser l’âme, de rendre visibles leurs troubles profonds ou simplement se sentir en accord avec eux-même. Qu’ils soient hommes ou femmes, ils nous invitent à les regarder ; mieux, à les scruter, à lire chaque détail de leurs corps minutieusement travaillé et nous imposent à marquer un temps d’arrêt comme on le ferait devant un tableau dans un musée. Ils nous regardent directement et semble nous dire : tu me vois bien là ? M’acceptes-tu tel que je suis ? Dans nos temps troublés, parler de la différence est communément admis. Un robinet d’eau tiède où les bons sentiments ruissellent jusqu’à former un fleuve tranquille de lieux communs. C’est facile et rassurant. Mais face aux images de Denis Rouvre, on procède à une réévaluation salutaire. Accepter ce que proposent Bboy ou Mistica par exemple, par leur démarche ultime, nous oblige à nous interroger sur cette notion même. ”Je est un autre”. « Si l’on accepte leur différence, on est en capacité d’accepter toutes les autres.» affirme Denis Rouvre. Cette nouvelle esthétique bouscule radicalement nos préjugés. Mourir pour renaître, Rouvre nous propose une ode à la vie.
JJ Farré/LIKE la revue