Nos sociétés occidentales peinent à associer enfants et combat, jeunesse et violence. Les images que Denis Rouvre a pris des enfants boxeurs de Thaïlande n’en sont que plus frappantes.
Cette série a été réalisée entre 2013 et 2015. Les modèles ont été photographiés juste à la sortie des matchs, quand l’intensité des pugilats se manifeste encore dans les corps palpitants de sueur.
Il est rare de lire chez l’enfant ou le jeune adolescent les signes d’une détermination que l’on croit réservés aux adultes les plus aguerris, aux champions forts en muscles et crâneries. Propulsés très tôt dans l’arène, ces enfants athlètes ont à cœur de poser devant l’objectif tels des guerriers invincibles. Mais avec leurs corps de gamins secs, musclés et chétifs, ces petits gladiateurs sont loin d’évoquer les héros de l’antiquité et leurs affrontements titanesques.
S’ils montent sur le ring, c’est moins pour la gloire ou la grandeur d’un sport que pour leur survie et celle de leur famille. Envoyés au combat comme on envoie les enfants soldats au front, ils n’ont pas le choix de leur destin. Enrôlés dans des camps de boxe où ils sont entrainés jusqu’à épuisement, ils luttent pour alimenter des paris dont le fruit revient en partie à leurs coachs, en partie à leurs parents démunis.
Dès lors, on aimerait croire à leur gestuelle souveraine, à leurs grigris offensifs, mais dans leurs regards affleure une vulnérabilité et une exténuation à peine voilées, et l’on pressent que ces boxeurs miniatures sont en réalité les victimes d’un système social foncièrement injuste et accablant.